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Religion

Le voile en Islam : parcours personnel et analyse théologique

بسم الله الرحمن الرحيم

Au nom d’Allah le Tout miséricorde, Le Miséricordieux

Témoignage : Mon récit personnel

Les 99 Noms d’ALLAH,
peinture ottomane
La puce à l’oreille

La question du voile s’est posée assez tôt dans mon cheminement spirituel. Il y a eu ma volonté d’aller prier à la mosquée, volonté contrariée par la contrainte de ma tenue vestimentaire. A quel moment j’allais bien pouvoir me voiler et me dévoiler pour m’y rendre. J’empruntais des impasses sinueuses du marché aux puces de Clignancourt pour l’enfiler rapidement et le plus difficile c’était de l’enlever, le plus souvent dans le bus à mon retour, en faisant fi de la réaction que cela pouvait susciter. Puis il y a eu mon mari, nos discussions houleuses à se sujet. Comment ça une femme voilée est forcément plus pieuse qu’une autre ? Et le cœur dans tout ça ? Ce que cachent les poitrines ? Pour lui il s’agissait d’un rappel qu’il se devait de me faire, pour moi ce n’était pas son affaire. C’est à la fois mon caractère, la frustration due à l’envie de ne pas le décevoir et surtout l’ambiance générale en France sur cette question qui me fît lui rétorquer : « Le voile c’est une question de femme ! » Je ne voulais pas entrer dans cette discussion avec lui. Il n’était pas question pour moi que l’on m’impose quoi que ce soit. Je devais être pleinement actrice de mon cheminement. J’ai alors pris soin d’analyser cette question sous divers angles, je me suis nourrie de lectures et de mon ressenti profond puis après mûres réflexions, j’ai saisi l’opportunité de notre aménagement au Canada pour me voiler. Cette décision a finalement pris au dépourvu mon époux qui a eu quelques appréhensions concernant ma sécurité, mais sur le fond nous étions d’accord. Au passage, mes sœurs dont le mari est réticent, je vous encourage à ne pas vous détourner de votre intention première et à les convaincre avec douceur et tendresse. Se voiler a été pour moi une expérience sans pareille. Ni mes séjours lointains et solitaires en continent inconnu, ni mes déracinements précoces de jeune étudiante m’ayant conduit à résider de villes en villes, n’ont égalé le dépaysement qu’il engendre. Tout ce que j’étais se réduisait désormais à être devenue aux yeux des blancs « arabe », et aux yeux des arabes « convertie » ou parfois « syrienne ». J’intriguais alors que là n’était pas mon intention. J’ai d’ailleurs toujours saisi la responsabilité qu’il m’incombait et j’essayais d’être la plus avenante possible, chose qu’il m’était facile d’accomplir étant de nature souriante. Pour autant je dérangeais et c’est assez violent à vivre surtout quand ça arrive si soudainement. Alors que j’attendais l’autobus sous la neige, un père n’avait-il pas dit à son fils en passant devant moi « encore ces Arabes ». Avec le voile, je perdais ma nationalité, enceinte de mon premier enfant, immigrante au Québec, lors de mon inscription à l’hôpital avec pourtant mon assurance médicale en règle, on me demanda si j’étais réfugiée. Française et réfugiée ? Non j’avais un permis de travail ouvert, une situation en règle mais j’étais devenue une personne stigmatisable qui transporte sur elle volontairement les préjugés du discrédit. J’ai aussi cru entendre un aîné dire à mon arrivée dans la salle d’attente: « On aura tout vu », fort est à parier qu’il ne parlait même pas de moi, mais une forme d’hyper vigilance m’envahissait. Parfois aussi, j’oubliais le voile que je portais et on me le rappelait. Ce fut le cas le jour où une employée de poste Canada refusa de me donner un colis que ma mère avait envoyé au nom de mon mari (ici on garde notre nom de jeune fille). J’ai beaucoup insisté, j’avais avec moi mon acte de mariage où était apposé mon nom d’épouse et je comptais bien récupérer ce carton pleins de cadeaux de mes parents pour leur futur petit fils. Quelle ne fut pas ma surprise quand elle m’a dit: « ce n’est pas parce que c’est vous ». Ça ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Il y a pléthore d’exemples. Pour les gens je devenais ignorante. A la maternelle de mon enfant l’éducatrice me reprenait lorsque je disais à mon fils de mettre ses gants et m’expliquait qu’il s’agissait de mitaines. Je lui répondais qu’en fait c’ était des moufles, les mitaines étant en français des gants sans doigts.

Anecdotique?

Pour re-contextualiser, lorsque je décide de porter le hijab, rousse et pleine de tâches de rousseur que je suis, on est en février 2016, j’ai 28 ans, je vis à Montréal depuis 1 mois, je suis enceinte, mariée depuis 5 mois et musulmane depuis un an et demi. Avec mon voile fraîchement porté, j’affiche un grand sourire et je redouble d’efforts pour être avenante. Un matin très tôt du fait de mes réveils matinaux de femme enceinte, je me rends à l’épicerie du quartier. Et je signale au monsieur québécois qui mettais les fruits en rayons que le sac de mangues que j’avais acheté récemment n’était pas bon. Ce dernier m’en donna un autre sans demander de preuve d’achat et alla voir la caissière pour lui dire de ne pas me les facturer. Vous allez me dire, oui et ? Et bien il m’a traitée avec humanité malgré mon voile et j’en fus grandement marquée. Je ne m’ attendais pas à cette réaction bienveillante qui m’a donné beaucoup d’espoir en la nature humaine. C’est dire le courage dont j’ai eu à faire preuve pour sauter le pas en faisant abstraction de ce que mon voile susciterait. Faire ce que mon cœur me demandait, c’est la seule chose qui a motivé mon passage à l’acte. Tout ça pour un bout de tissus, tant de pensées, de joies, de craintes ? Force est de constater qu’elles n’étaient pas illégitimes, je vous renvoie à la loi 21, dites loi sur la laïcité de l’État adoptée le 16 juin 2019 attestant pour la première fois que l’État du Québec est laïque et interdisant de fait le port de signes religieux (euphémisme du voile) aux employés de l’État en position d’autorité coercitive, ainsi qu’aux enseignants du réseau scolaire public, tout en reconnaissant un droit acquis aux personnes en poste avant le 27 mars 2019.

Identité

Pour ma part, je devenais donc étrangère à moi même dans leur perception, de quoi avoir le vertige. En fait, c’est le contraire qui s’est produit. Avec mon voile, je gagnais mon identité. Je devenais fidèle à moi même et j’adhérais pleinement à ma communauté en étant reconnue comme telle par mes semblables musulmans. « Certes, cette communauté qui est la vôtre est une communauté unique, et Je suis votre Seigneur. Adorez-Moi donc ». (21:92). Ce qui de ma part n’entraînait aucun sectarisme ni aucun refus de me mélanger au reste de la société, mais force est de constater que ce n’était pas réciproque. De cette mise à l’écart, la femme voilée tire paradoxalement des bénéfices considérables au premier rang duquel discerner dès le premier abord les personnes réticentes à l’égard de ses convictions qui s’éloignent d’elles-même. Je me souviens de mon malaise lorsque récemment convertie et nouvellement professeur des écoles dans le 93, je devais supporter les propos islamophobes de mes collègues qui généralisaient sur l’islam en se plaignant à moi du refus de certains parents de voir leurs enfants se prosterner au cours de karaté, ou encore des situations embarrassantes durant le mois de ramadan où je prétextais que j’allais déjeuner au macdo et que je me retrouvais accompagnée par un collègue. Avec le voile, je n’ai pas besoin de faire diversion, de mentir pour protéger l’autre de ses propres préjugés, d’expliquer à chaque fois que je suis convertie. Soubhan Allah _alléluya_, ça coule de source. Ainsi il apparaît que dans les relations sociales déjà, la sincérité ne peut qu’augmenter avec le voile porté de façon consciente. Que dire de ce qu’il en est en matière de pratique religieuse. Pour en revenir à mon introduction, j’en veux pour exemple le fait que l’ Islam veuille pour nous la facilité, et que donc, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes un musulman ne devrait jamais être dérangé par sa tenue vestimentaire lorsqu’il veut prier. Notre vêtement de sortie doit donc s’apparenter à celui de notre prière, d’autant plus que la qualité de notre prière est le reflet de la qualité de notre vie. En Islam il n’existe aucune dichotomie entre vie publique et sphère privée. Notre foi nous suit partout, elle est notre vêtement, notre bon comportement, notre âme et elle se veut être au service de la société. Ce que l’occident voit d’ostentatoire dans le voile est une déformation injuste de la raison profonde qui nous pousse à le porter. Une motivation intérieure et non pas extérieure, une pudeur, un respect envers nos aspirations et en rien un acte de prosélytisme, de provocation ou de rejet de la société à laquelle on appartient.

Le port du voile dans le Coran, un gage de « taqwa » : approche théologique

Avant d’énumérer les versets qui parlent de ce sujet je tiens à souligner que c’est l’intention qui prime et que quand on s’approche de Lui en marchant, Allah vient à nous en courant. Abou Hurayra (qu’Allah l’agré) relate que le Messager d’Allah (sur lui la paix et le salut) a dit : « Certes, Allah a dit : « Lorsque Mon serviteur avance d’un empan vers Moi, J’avance d’une coudée vers lui. Lorsqu’il avance d’une coudée vers Moi, J’avance d’une brasse vers lui. Et lorsqu’il avance d’une brasse vers Moi, J’avance vers lui plus rapidement encore. » Rappelons également cet hadith  « Les actions ne valent que par les intentions qui les motivent et chacun n’a pour lui que ce qu’il a eu réellement l’intention de faire. Celui qui émigre pour Dieu et Son Messager, son émigration lui sera comptée comme étant pour Dieu et Son Messager. Et celui qui émigre pour acquérir des biens de ce bas-monde ou pour épouser une femme, son émigration ne lui sera comptée que pour ce vers quoi il a émigré.» (Rapporté par Boukhari et Mouslim). Etre mû par la volonté de satisfaire Allah, mettre de l’adoration dans chacun de nos actes, est donc la meilleure des voies à suivre et est celle qui mène au bonheur. C’est la signification profonde de « Et Je n’ai créé les djinns et les humains que pour qu’ils M’adorent. Je ne veux pas d’eux de subsistance, et Je ne veux pas qu’ils Me donnent à manger. Dieu est, Lui, [= Je suis, Moi,] Celui qui donne la subsistance, le Détenteur de la Force, l’Inébranlable » (Coran 51/56-58). Comment porter mieux Allah dans son coeur qu’en respectant ses obligations, comment embrasser pleinement sa foi sinon en comprenant l’importance du voile. Pour ce faire il faut travailler sur le pourquoi et ainsi intérioriser sa nécessité. Il ne s’agit pas de porter un jugement sur les musulmanes non voilées. En France comme dans de nombreux pays occidentaux, le contexte apparaît comme particulièrement difficile. Que dire de la situation des converties et de celles des familles musulmanes qui se déchirent sur cette question, qui devrait pourtant nous rassembler. Cette situation est certes délicate mais rappelons nous qu’ « à côté de la difficulté est certes une facilité ! » (94:6-7) Quel bonheur que d’être reconnue comme musulmane par la communauté grâce au voile! Et quel plaisir que de s’échanger des salutations avec chaque femme voilée que je croise. Qu’Allah nous facilite la voie de rectitude.

On entend par taqwa, une protection, un bouclier, une préservation , un obstacle que pose le croyant entre lui et le châtiment d’Allah. La taqwa c’est la pleine conscience d’Allah dans tous nos actes quotidiens, le fait qu’on se Le rappelle en permanence. Cela se caractérise par l’accomplissement des obligations et le délaissement des interdits. Percevoir le port du voile dans cette optique est la clé du plein épanouissement spirituel.

Pourtant dans le Coran, seulement quatre versets évoquent le voile au sens matériel avec des termes multiples, dont trois explicitement et un métaphoriquement selon nombre de savants comme nous allons le voir. Allah a donc peu légiféré en la matière et l’absence d’unanimité terminologique quant aux parties à couvrir laisse à penser que dans sa grande sagesse, Al Hakim a laissé une marge de manœuvre aux être humains pour que les variables culturelles et temporelles s’adaptent à son injonction. Par ailleurs la faiblesse du nombre de versets qui évoquent cette question souligne que ce n’est pas là où nous devons essentiellement porter notre attention en Islam (le mot taqwa est quand à lui utilisé 151 fois) ou du moins qu’il n’est pas un sujet à polémique pour notre Seigneur, d’ailleurs le caractère obligatoire de son port fait l’unanimité pour les savants et c’est uniquement dans la forme qu’il doit prendre qu’il y a de petites divergences, essentiellement culturelle. Lorsque l’on s’y attarde, on se rend compte qu’une large palette de mots existent dans le Coran pouvant être traduits par le mot  »voile » en français ce qui rend compte de la richesse et de l’hétérogénéité de leur sens. En français le mot voile et le verbe voiler ont de nombreuses significations et ouvrent la porte à un large champ lexical : le voile est un tissu qui donne le sens de hijab mais aussi de voilier (bateau à voile). Se voiler la face, voiler la réalité, rendre impénétrable, flouter, tous ces sens existent dans le Coran mais en arabe il existe un mot pour une signification, parfois le mot traduit en français une expression. C’est le cas pour _سُكِّرَتْ_ ( »soukirat » sourate 15 verset 15) traduit dans le coran en français par  »avoir les yeux voilés », ou dans d’autres traduction  »avoir la vue troublée », signifie en fait en arabe  »être ivre » et donc au sens figuré  »ne pas discerner le vrai du faux » d’où la traduction en français de ne pas y voir clair, rendue par l’expression « avoir les yeux voilés ». Il est donc intellectuellement aberrant de réduire cette richesse étymologique à une non existence de l’obligation de se voiler dans le Coran, comme cherchent à le faire ses plus grands détracteurs, qui influencent par là-même bon nombre de musulmans. Voici pour l’instant par ordre de révélation, les versets pouvant se rapporter au voile en tant que vêtement dans son acceptation actuelle :

  • Le premier est le verset 17 de la sourate 19 (Maryam) :

 فَاتَّخَذَتْ مِن دُونِهِمْ حِجَابًا فَأَرْسَلْنَا إِلَيْهَا رُوحَنَا فَتَمَثَّلَ لَهَا بَشَرًا سَوِيًّا
 

« Elle mit entre elle et eux un voile _hijaban_. Nous lui envoyâmes Notre Esprit (Gabriel), qui se présenta à elle sous la forme d’un homme parfait. « 

  • Le deuxième est le verset 53 de la sourate 33 (Al Ahzab):

 
 يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا لَا تَدْخُلُوا بُيُوتَ النَّبِيِّ إِلَّا أَن يُؤْذَنَ لَكُمْ إِلَىٰ طَعَامٍ غَيْرَ نَاظِرِينَ إِنَاهُ وَلَـٰكِنْ إِذَا دُعِيتُمْ فَادْخُلُوا فَإِذَا طَعِمْتُمْ فَانتَشِرُوا وَلَا مُسْتَأْنِسِينَ لِحَدِيثٍ ۚ إِنَّ ذَٰلِكُمْ كَانَ يُؤْذِي النَّبِيَّ فَيَسْتَحْيِي مِنكُمْ ۖ وَاللَّـهُ لَا يَسْتَحْيِي مِنَ الْحَقِّ ۚ وَإِذَا سَأَلْتُمُوهُنَّ مَتَاعًا فَاسْأَلُوهُنَّ مِن وَرَاءِ حِجَابٍ ۚ ذَٰلِكُمْ أَطْهَرُ لِقُلُوبِكُمْ وَقُلُوبِهِنَّ ۚ وَمَا كَانَ لَكُمْ أَن تُؤْذُوا رَسُولَ اللَّـهِ وَلَا أَن تَنكِحُوا أَزْوَاجَهُ مِن بَعْدِهِ أَبَدًا ۚ إِنَّ ذَٰلِكُمْ كَانَ عِندَ اللَّـهِ عَظِيمًا 
 

« Ô vous qui croyez! N’entrez pas dans les demeures du Prophète, à moins qu’invitation ne vous soit faite à un repas, sans être là à attendre sa cuisson. Mais lorsqu’on vous appelle, alors, entrez. Puis, quand vous aurez mangé, dispersez-vous, sans chercher à vous rendre familiers pour causer. Cela faisait de la peine au Prophète, mais il se gênait de vous (congédier), alors qu’Allah ne se gêne pas de la vérité. Et si vous leur demandez (à ses femmes) quelque objet, demandez-le leur derrière un rideau _hijabin_: c’est plus pur pour vos cœurs et leurs cœurs; vous ne devez pas faire de la peine au Messager d’Allah, ni jamais vous marier avec ses épouses après lui; ce serait, auprès d’Allah, un énorme péché.« 

  • Le troisième verset révélé concernant le voile est le verset 59 de la sourate 33 (Al Ahzab):

يَا أَيُّهَا النَّبِيُّ قُل لِّأَزْوَاجِكَ وَبَنَاتِكَ وَنِسَاءِ الْمُؤْمِنِينَ يُدْنِينَ عَلَيْهِنَّ مِن جَلَابِيبِهِنَّ ۚ ذَٰلِكَ أَدْنَىٰ أَن يُعْرَفْنَ فَلَا يُؤْذَيْنَ ۗ وَكَانَ اللَّـهُ غَفُورًا رَّحِيمًا 

« Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles _djalabibihinna_: elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées. Allah est Pardonneur et Miséricordieux. »

  • Enfin le quatrième est le verset 31 de la sourate 24 (An-Nour) :


 وَقُل لِّلْمُؤْمِنَاتِ يَغْضُضْنَ مِنْ أَبْصَارِهِنَّ وَيَحْفَظْنَ فُرُوجَهُنَّ وَلَا يُبْدِينَ زِينَتَهُنَّ إِلَّا مَا ظَهَرَ مِنْهَا ۖ وَلْيَضْرِبْنَ بِخُمُرِهِنَّ عَلَىٰ جُيُوبِهِنَّ ۖ وَلَا يُبْدِينَ زِينَتَهُنَّ إِلَّا لِبُعُولَتِهِنَّ أَوْ آبَائِهِنَّ أَوْ آبَاءِ بُعُولَتِهِنَّ أَوْ أَبْنَائِهِنَّ أَوْ أَبْنَاءِ بُعُولَتِهِنَّ أَوْ إِخْوَانِهِنَّ أَوْ بَنِي إِخْوَانِهِنَّ أَوْ بَنِي أَخَوَاتِهِنَّ أَوْ نِسَائِهِنَّ أَوْ مَا مَلَكَتْ أَيْمَانُهُنَّ أَوِ التَّابِعِينَ غَيْرِ أُولِي الْإِرْبَةِ مِنَ الرِّجَالِ أَوِ الطِّفْلِ الَّذِينَ لَمْ يَظْهَرُوا عَلَىٰ عَوْرَاتِ النِّسَاءِ ۖ وَلَا يَضْرِبْنَ بِأَرْجُلِهِنَّ لِيُعْلَمَ مَا يُخْفِينَ مِن زِينَتِهِنَّ ۚ وَتُوبُوا إِلَى اللَّـهِ جَمِيعًا أَيُّهَ الْمُؤْمِنُونَ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ 

  » Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile _bikhumurihina_ sur leurs poitrines; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. Et qu’elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l’on sache ce qu’elles cachent de leurs parures. Et repentez-vous tous devant Allah, ô croyants, afin que vous récoltiez le succès. « 

Le voile, une élévation de l’ordre du mystique

Comme d’accoutumé par l’ordre chronologique, on retrouve Allah et sa grande mansuétude qui amène progressivement les croyants à se questionner et à se réformer. On voit qu’avant que ce soit une injonction (à partir du troisième verset révélé), Allah nous explique subtilement que le voile est en fait une protection. Une distanciation pour Mariam, Aleyha a salam (paix sur elle) lorsqu’elle reçu la visite de l’ange Gabriel. D’après le tafsir d’Ibn Kathir cela signifie qu’elle se retira à l’écart de sa famille. Le voile serait ici une allégorie de la distanciation nécessaire pour que se manifeste extraordinairement ce qui est de l’ordre du divin, du miraculeux. L’insufflation de Issa (Jésus), Aleyhi salam (le salut d’Allah soit sur lui) par la visite de l’ange Djibril (Gabriel) est aussi une allégorie à laquelle nous renvoie ce verset. L’ange se présenta à Mariam sous la forme humaine et elle pris peur. Il la rassura alors. Cela nous renvoie au fait qu’Allah ne fait embrasser de ses miracles et de son mystère que ceux qu’Il veut. Cela est dit de façon plus explicite dans le verset 179 de la sourate 103 :  » Allah n’admet pas pour autant de vous donner regard sur l’Inconnaissable. Mais il choisit comme envoyé ceux qu’Il veut ». Le voile est donc ici une parabole même de la taqwa en tant que protection et que bulle entourant l’intimité profonde qui lie le croyant à son Seigneur, on peut y voir une allégorie de l’amour que porte Allah sur certains de ses serviteurs privilégiés. Le voile (au sens propre comme au sens figuré) est dans cette acceptation, le distance qui nous permet de vivre avec la pleine conscience d’Allah. Citons de la même manière le verset 51 de la sourate 42 (La concertation) : « Aucun humain n’a capacité à ce qu’Allah lui parle si ce n’est par révélation, ou de derrière un voile, ou par l’envoi d’un messager : Alors il fait révéler sur son ordre ce qu’Il veut ». Certains aḥādīṯ révèlent aussi que le prophète Salala aleyhi wa salam était parfois totalement enveloppé lorsque s’opérait la descente de la parole divine sur lui. J’y fais référence dans un podcast qui traite de la question du voile au regard de la sunna.

Le voile, une facilité pour nos cœurs

Dans le deuxième verset sus-cité, le voile -hijab- est un rideau (ou une portière) que doivent mettre les hommes entre eux et les épouses du prophète quand ils sont chez lui, pour qu’elles restent à l’aise dans leur demeure. Allah demande donc aux hommes de rester pudiques avec les femmes du prophète, pour qu’il ne s’établisse pas une trop grande proximité entre ses invités et ses épouses, sur lesquelles notre bien-aimé ﷺ, est forcément jaloux de par leur préciosité. C’est encore une facilité pour les femmes qui peuvent continuer à être tranquilles chez elles, puisque c’est aux hommes qu’il est demandé de pas venir les importuner pour leur demander quelques choses sans rideau (d’autres traduisent portières) entre eux et elles dans une pièce ou elles ne seraient par exemple pas présentables.

Le voile, une appartenance protectrice

Le verset de la sourate  Al Ahzab est encore une protection, il vise à ce que les femmes du prophète ﷺ se voilent pour qu’elles soient mieux reconnues et non offensées. Rappelons-nous qu’à l’époque elles devaient par exemple sortir de nuit pour aller aux toilettes. Il était bon que l’on sache qui elles étaient pour leur éviter d’être offensées. Il en est de même pour nous aujourd’hui. Même en pays non musulman le voile reste un gage de piété pour les gens et il nous protège de bon nombre de désagrément (dragues intempestives, diffamation contre les musulmans). Il est rapporté que lorsque ce verset est descendu, les femmes du prophète ﷺ ont cherché des tissus qui se trouvaient à proximité pour se couvrir immédiatement avec. 

Le voile, gage de pudeur, gage de préservation du bon comportement

Enfin le dernier verset cité est celui qui est le plus souvent utilisé pour justifier de l’obligation du port du voile. Il légifère en la matière. Ici encore Allah Al Latif nous liste toutes les personnes auprès de qui cette charge du port du voile ne nous incombe plus à savoir les hommes avec qui le mariage nous est impossible, les femmes musulmanes et le personnel à leurs services. Quant au fait de baisser leur regard pour préserver pureté et pudeur, avant de le demander aux femmes, Allah le prescrit aux hommes au verset précédent : « Dis aux croyants de baisser les yeux et de garder leur chasteté : ce sera de leur part plus pur. Allah est certes parfaitement connaisseur de leur pratique » (24:30). Ce qui déconstruit toutes les allégations accusant les musulmans d’être incivilisés au point qu’il faille substituer les femmes à leur regard par le port du voile. Les ennemis de l’Islam nous disent de ne pas nous voiler et d’éduquer les hommes à bien se tenir. Ils nous disent que par le voile, nous incitons les hommes à la perversité puisque nous nous considérons comme des objets sexuels à soustraire de leur vue sans quoi ils nous dévoreraient. Or cela est faux et s’apparente tant à la mauvaise foi qu’au procès d’intention. Que nous soyons voilées ou pas, Allah enjoint impérativement les hommes à baisser leur regard devant nous et à garder leur chasteté, c’est à dire à réserver leurs désirs pour la relation époux épouse, ce qui est, tous en conviendront, le contraire de la perversité, perversité à laquelle nous astreint la société de l’image qui vend la femme pour ce qu’elle suscite comme désir et la relègue ainsi au rang d’objet capitalistique. Le voile est donc une façon d’être reconnue pour ce que nous sommes profondément et une façon de préserver nos cœurs des désirs charnels inhérents à la nature humaine. En ce sens il est un des garants de la qualité du mariage et de la fidélité entre les époux puisqu’il préserve notre piété. En se détournant des réalités matérielles (nourriture, corps) on accroît notre spiritualité et on se prémunit. D’autant plus que le fait de se détacher de la séduction revient à se rapprocher de la vérité, la séduction étant par nature, de la manipulation.

En espérant vous être profitable. Je vous invite à ce que vous partagiez vos impressions, expériences et questionnements dans sa mise en pratique. Il est légitime d’avoir des appréhensions avant de se voiler d’autant plus au sein d’un État non musulman, et cela, quand bien même notre envie de le faire est grande. Nous femmes musulmanes voilées devons rester fidèles à ce que nous dit notre cœur et endosser le voile en ayant pleinement conscience de la responsabilité qu’il engendre en matière d’exemplarité du comportement. Je demande à Allah de nous aider dans notre quête de la vérité. Astaghfiroullah pour les manquements que je commets, les éventuelles erreurs qui se sont glissées dans cet article; qu’Allah nous accorde sa miséricorde, qu’Il nous aide à accroître notre sincérité et qu’Il nous guide ainsi que nos proches vers ce qu’il y a de meilleur. Ameen

Pour aller plus loin, poursuivez en écoutant mon podcast : Le voile réponses aux sceptiques

« La taqwa c’est la pleine conscience d’Allah dans tous nos actes quotidiens, le fait qu’on se Le rappelle en permanence. Cela se caractérise par l’accomplissement des obligations et le délaissement des interdits. Percevoir le port du voile dans cette optique est la clé du plein épanouissement spirituel. »

« Le voile est donc ici une parabole de la taqwa en tant que protection et que bulle entourant l’intimité profonde qui lit le croyant à son Seigneur, on peut y voir une allégorie de l’amour que porte Allah sur certains de ses serviteurs privilégiés. »

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13 réponses sur « Le voile en Islam : parcours personnel et analyse théologique »

Salem Aleykoum Khadija, ton article est tellement intéressant même si notre échange sur la plateforme a apporté beaucoup sur les questions que je me posais, aujourd’hui ton article balaie les appréhensions que je porte depuis des mois. Merci pour la synthèse que tu partages sur les textes et ton interprétation pertinente. c’est avec grand plaisir que je souhaite suivre ce que tu pourras publier sur ce site. Très belle initiative. Fraternellement, Bouchra Bak

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Waalikoum salam wa rahma Allah chère Bouchra. Merci à toi d’avoir émis cette question qui a pu amener un développement que j’espère positif al hamdoulilah. Jazaki Allah kheir pour ta réponse ce fut touchant pour moi que tu sois la première à commenter cet article.

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Salam Ailakum
Je viens de découvrir votre blog. J’ai beaucoup apprécié vos articles qui sont plein de bon sens avec une analyse approfondie. Vous ne vous contentez de généralité.
Je vous souhaite une bonne continuation au plaisirs de vous relire.
Khadija

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Waalikoum Salam wa rahma Allah wa barakatuh chère soeur. Très heureuse de vous lire et d’apprendre que le blog vous parle. N’hésitez pas à nous faire part de vos impressions et de votre science également. A bientôt inshallah

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Salem alaykoum, merci pour cet article riche en informations. J’ai aimé le fait qu’il s’agisse d’un retour d’expérience et qu’il renvoie à des sources du Coran notamment. On voit que ça n’a pas été facile mais qu’au final les bienfaits l’emportent sur le reste. Bonne continuation et à bientôt sur la plateforme in sha Allah

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Waalikoum salam wa rahma Allah wa barakatuh chère Nedjma. Jazaki Allah kheir pour ce partage qui reflète à la fois ce que j’ai essayé de faire et ce que j’ai vécu. Au plaisir de discuter à nouveau. Khadija

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salam khadija je te félicite pour cette analyse bien argumentée sur le port de voile par la femme musulmane en générale et surtout la convertie (j’ai une petite objection sur cette appellation . l’islam est continuité depuis Adam jusque la fin de l’existence en ce bas monde).ce sujet a toujours fait objet de polémique pour toutes les croyances même pour les Culte des idoles et ton expérience est un plus qui illumine la voie vers Dieu pour nos semblables .
tout mon estime pour ton courage
الله الموفق

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Waalikoum salam wa rahma Allah wa barakatuh cher Abdelkader. En effet je suis d’accord, nous naissons tous musulmans et sommes tous des frères et sœurs en humanité avec pour seuls ancêtres communs : Adam et Awa aleyhoum salam. En tant qu’ancienne chrétienne je vois d’ailleurs l’Islam comme une continuité et non comme une rupture avec mon passé, je parlerais même plutôt de  »révélation » (non prophétique bien-sûr, comme on révèle un secret) que de conversion au sens où l’Islam ramène à la croyance initiale et véritable, mais par facilité de langage le terme convertie étant communément admis il est plus facile à employer pour caractériser ceux qui reviennent à l’Islam, quand cette religion a été délaissée par leur ancêtre par exemple. Il faudrait aussi un terme pour caractériser les musulmans de naissance qui ne pratiquent pas et qui reviennent à l’Islam au cours de leur vie en se rappelant d’Allah, l’expression  »musulman pratiquant » n’étant pas satisfaisante en mon sens. Peut être un mot existe en arabe d’ailleurs. Merci infiniment pour votre commentaire très riche.

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Merci beaucoup pour cet article complet, je me retrouve dans beaucoup de tes explications, notamment sur l’identité, quant au fait d’être reconnue comme musulmane, je pense que tu as mis des mots sur ce que je ressentais et tu as eclaircie mes pensées : les musulmans ne me reconnaissent pas et je ne montre pas non plus qui je suis aux non musulmans et ça nous amène à des situations dans lesquelles on ne sait plus si on doit préciser qu’on est musulmane et à quel moment, comment etc (à la fois avec les musulmans et non musulmans du coup) on a de cette manière parfois aussi l’impression d’être un peu schizophrène ^^
J’aime également beaucoup le sens spirituel que tu donnes au voile. De la même manière que selon si l’on est habillé en tailleur ou en jogging notre perception de nous même va varier, je pense que le fait de porter le voile nous permet d’être de se sentir plus pieux et donc cela nous aide peut-être aussi à être plus attentif à notre comportement et nous rappeler de Dieu chaque seconde (même si c’est déjà le but sans voile).
Je suis également entièrement d’accord avec le fait qu’il s’agisse d’un gage de piété même en France et que cela nous préserve de certains comportements, tu as vraiment mis de l’ordre dans mes idées!
Il reste qu’effectivement cette impression de changement d’identité (bien qu’elle soit au final une affirmation d’identité) est une étape qui me fait peut-être un peu peur, de même que d’oser montrer une spiritualité qui a eu l’habitude de s’expanser intérieurement jusqu’alors et que j’avais, de cette façon, l’impression de protéger/couver pour ne pas qu’elle soit heurtée par le monde extérieur …

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Avec grand plaisir Cerise. Ton retour de convertie est pour moi salvateur en ce sens qu’il confirme l’importance du sentiment d’appartenance à la communauté, bien qu’elle soit indéniable. Mais ce qu’Allah reconnait, les autres ne le reconnaissent pas forcément. Il nous faut par exemple un certificat pour pouvoir aller faire el Hajj et certaines mosquées se permettent même de tester notre foi avant de nous le délivrer, en mon sens il s’agit clairement d’une obstruction vers le sentier d’Allah (comme si celui qui voudrait porter atteinte à la kaba, qu’Allah la préserve, ne pourrait pas obtenir ce certificat en se faisant passer pour converti, il s’agit pour moi d’une innovation préjudiciable). Plus généralement, le voile est vraiment une chance que nous avons par rapport aux convertis hommes en l’occurrence, même s’ils peuvent aussi par d’autre moyen je l’espère afficher leur appartenance à la communauté. Je ne l’ai pas mis pour gagner en légitimité mais mon expérience avec le voile m’a permis d’apprécier ce point grandement. Parfois je commente des vidéos sur youtube et j’explique que je suis convertie, c’est alors que de façon bienveillante on me répond : » tu es des notre » de la même manière, je me souviens aussi d’une amie musulmane qui m a dit quand elle a su que je me voilais : » tu es une vraie musulmane maintenant » (elle même n’étant pas voilée à cause du contexte français mais souhaitant le porter je sais que son propos était très gentil mais) ces marqueurs d’intégrations m’agacent car le jour où nous prononçons la chahada nous sommes musulmans peu importe les suspicions que cela peut engendrer. Cependant, on ne peut pas toujours passer outre, je les accepte et leur trouve donc des excuses. Enfin comme tu le rappelles dans le commentaire, le voile doit rester un processus intérieur qui se manifeste à l’ extérieur, comme le résume ce passage de l’article :

» Ce que l’occident voit d’ostentatoire dans le voile est une déformation injuste de la raison profonde qui nous pousse à le porter. Une motivation intérieure et non pas extérieure, une pudeur, un respect envers nos aspirations et en rien un acte de prosélytisme, de provocation ou de rejet de la société à laquelle on appartient. »

Enfin chère soeur, je sens dans tes propos que lorsque tu t’en sentiras la force, le voile sera pour toi d’une très grande saveur et te permettra un épanouissement certains, celui la même qui te permettra de surmonter les obstacles qui se mettrons sur ton chemin, car le voile porté de façon consciente donne des ailes, il nous donne confiance en nous comme tu le décris en liant le rapport de la tenue vestimentaire à l’estime que l’on a de soi même !
Jazaki Allah kheir pour ce riche commentaite.
Fraternellement

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